andata . ritorno laboratoire d'art contemporain
David Mach
« No rest for the wicked »
LE COURRIER Culture
■ Les temps changent. Lorsqu’en 1983 David Mach
avait exposé pour la première fois à Genève, dans les locaux de
Aujourd’hui, David Mach revient à
Andata/Ritorno, et marque dans sa nouvelle pièce à la fois la continuité de ses
précédentes interventions dans ce lieu, et une rupture avec la logique de masse
qu’on lui connaissait jusqu’alors : en effet, il ne
s’agit plus du tout ici de figurer un objet grâce à des milliers
d’autres objets, rendus à leur matière indistincte par leur
concentration. Une armoire, une table, une commode, quelques chaises forment
une spirale enroulée autour du pilier de soutènement de la galerie ; aucune forme
reconnaissable mais un pointage des objets, utilisés tels quels, en rien
détournés de leur fonctions habituelles, simplement montrés d’une manière
particulière.
Il semble bien que Mach prolonge avec ce
travail sa réflexion sur l’objet en la libérant des seuls critères
sociologiques de la production et de la consommation de masse. Ces meubles que
nous voyons sont des objets affectés d’une grande valeur financière (on
n’achète en principe que quelques armoires dans sa vie) et d’une
indéniable valeur sentimentale : de ce style indéfini qui imite
l’idée que le petit–bourgeois se fait du classicisme (bois teinté,
moulures et ornements lourdeaux), nous les avons tous vus, chez nous, chez une
tante ou dans un cabinet de dentiste. Ce sont des objets de désir, magnifiés
dans leur précaire et ridicule équilibre.
Leur fragilité, c’est-à-dire aussi
bien leur peu d’intérêt intrinsèque, leur banalité et leur réduction à
des agents de construction les rend touchants, questionnables.
Objets signifiant d’un conformisme
intime, ils cessent tout à coup de remplir leur fonction de fétiches
rassurants. Leur sarabande leur rend, à nos yeux, une présence merveilleuse,
étonnante comme le ballet du service à thé de Walt Disney.
Lysianne Léchot
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Le point de vue de
KING
– KONG
On doit à David
Mach quelques-unes des émotions fortes que réussit encore, de temps à autre, à
nous communiquer l’art contemporain. Rappelons pour mémoire, le
sous-marin en pneus,
L’exposition que proposait de novembre
à décembre Andata/Ritorno est, de loin, moins amusante. Mach y a changé de
registre. Peut-on le lui reprocher ? Certes pas. Il n’en reste pas
moins que les pièces qu’il présente aujourd’hui semblent bien fades
comparées à celles qui les ont précédées ici - même. Autour de la colonne, dans
la pièce principale, grimpe un escalier en colimaçon fait de dalles de granit
et d’un enchevêtrement peu convaincant de meubles divers. Même scénario
dans le couloir : un vieux fauteuil et deux barres de granit croisées. Il
y a pire. Tout cet arrangement dans l’un et l’autre cas, tient par
la vertu des petits bras (mais robustes, à ce qu’il semble) d’une
escouade de poupées Barbie. Vêtues de chiffons colorés, la mèche en bataille,
arborant l’éternel sourire qui laissait présager –on s’en
aperçoit rétrospectivement- toutes les turpitudes des protagonistes féminines
de « Dallas », elles envahissent l’univers de Mach … et
le réduisent à leur dimension.
Barbie, c’est le standard de la jeune
fille saine, sportive, dynamique. Elle est grande (pour sa petite taille),
blonde, bien sûr, et très sexy pour un jouet de fillette, mais nette –le
Sida, à ce jour, ne l’a pas encore touchée. Une amie me raconte que,
lorsqu’elle était enfant, elle n’était pas la seule à réclamer sa
Barbie pour Noël. Ses frères aussi en possédaient quelques-unes. Ces pauvrettes
avaient vite perdu leurs vêtements (pourtant si chers !) et évoluaient
dans un univers concentrationnaire où leur bourreaux leur faisaient subir un
entraînement intensif à base de gymnastique acrobatique. J’appelle cette
attitude, tortionnaire et fascinée, le point de vue de King – Kong. Il
est clair que la plastique avenante de Barbie vous y invite. Souvenez-vous, l’énorme gorille tenant
dans sa main la pauvre blondinette affolée. D’une caresse de sa patte
velue, il la déshabille …
C’est vers cet inconscient (pervers
mais, à y regarder de près, très peu polymorphe) que nous ramène inexorablement
Barbie. Son corps de jeune fille pulpeuse et, tout à la fois, élancée, réveille
en nous l’instinct passablement endormi des grands primates que furent
nos ancêtres. Et c’est toute la sculpture de Mach qui bascule dans ce
rapport un peu ridicule de gigantisme sexuellement excité. Là, le jeu des
disproportions avaient bien d’autres résonances. Que veut Mach ? Il
semble bien qu’en introduisant la différence d’échelle, il vise un
de ces déplacements qui sont les moteurs de son travail. Seulement ici, il
reste piégé par son instrument.
François-Yves
Morin
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David Mach
« No rest for the wicked »
Andata . Ritorno, Genève, 1988
photo : Jacques Berthet
David Mach
« No rest for the wicked »
Andata . Ritorno, Genève, 1988
photo : Jacques Berthet
David Mach
« No rest for the wicked »
Andata . Ritorno, Genève, 1988
photo : Jacques Berthet
David Mach
« No rest for the wicked »
Andata . Ritorno, Genève, 1988
photo : Jacques Berthet
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