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Jean Le Gac

«  La sieste du peintre »

 

La Tribune de Genève, vendredi 15 mars 1985

Chronique des expositions

Une vie de peintre

  Le Centre de la photographie ne nous présente pas cette fois-ci un photographe, mais un artiste qui se sert de la photographie comme support d’une autre démarche. En effet, Jean Le Gac est peintre, mais un peintre un peu particulier, sans toile ni pinceau, sans œuvre picturale proprement dite et finalement sans autre sujet que le peintre lui-même, héros ambigu à la fois double de l’artiste et personnage imaginaire.

  À travers de multiples stratégies et travestissements, jeux de miroirs et d’emboîtements où Le Gac est à la fois acteur et spectateur, auteur et commentateur de son œuvre, il nous conte les avatars de ce peintre sans peinture devenu en quelque sorte métaphore de la peinture.

  Outre la photo, le langage et l’écriture occupent une place primordiale chez cet artiste qui recourt à toutes les formes du Narrative Art. Des textes, plus ou moins long, accompagnent toujours les images présentées en séries. Tantôt ils servent (apparemment) de sous – titres, tantôt ils défilent comme un récit d’automne, tissant d’habiles va – et – vient entre le rêve et la réalité, les éléments autobiographiques et la fiction.

Du côté de Fantômas

  Se jouant avec duplicité de l’incertitude du spectateur, les travaux de Le Gac se lisent comme les indices d’une vaste enquête policière, évoquant de façon fragmentaire et allusive divers événements de la vie d’un peintre, depuis l’origine de sa vocation jusqu’à ses loisirs familiaux.

  En effet, à partir de 1968, Jean Le Gac qui, à l’instar de son « héros », est né en 1936 à Tamaris, près d’Alès, met en place un vaste dispositif où il se voit en reporter surveillant un peintre devenu, après de multiples changements d’identité, « le peintre ». Accumulant lieux communs, stéréotypes et clichés, il emprunte les thèmes et les formulations de ses scénarios à des genres tels que le feuilleton, la photographie d’amateur, la littérature populaire et enfantine, ironiquement mêlés de références à la culture avec un grand « C ».

  Les aventures de ce peintre à la Fantômas, omniprésent mais insaisissable, deviennent le lieu d’une réflexion sur les fondements de l’art et de la peinture, mais qui apparaîtraient toujours en négatif, comme vus et éclairés depuis des territoires périphériques.

La liberté du rêve et du désir

  À plusieurs reprises, Le Gac joue lui – même le rôle du peintre. Ainsi, dans « Les images bavardes » (1973), on le voit dans diverses occupations et situations glissant du quotidien à l’insolite mais n’ayant aucun lien apparent, sinon métaphorique, avec le « métier » de son personnage.

  On le découvre photographe ou voyeur, promeneur endormi ou aventurier enfantin à la fois exhibitionniste et affabulateur. Sans souci de logique et de contradictions, Le Gac se meut avec la liberté du rêve et du désir dans un monde de fictions où le texte, plus qu’il ne commente, explore et déploie les significations possibles et subjectives de l’image.

  Sous l’une d’elles, Le Gac nous dit le peintre agacé par les photos qui ne laissent jamais deviner les préoccupations immédiates des personnes représentées. Or, qu’il s’agisse de mises en scène où figure le peintre ou, comme très souvent, de lieux vides et anonymes, paysages ou bâtiments, c’est souvent à ce jeu de divination et de déchiffrement (monté bien sûr de toutes pièces) qu’il se livre et nous convie.

  Avec la malice d’un illusionniste, il nous révèle quelques-uns de ses tours pour aussitôt, à notre insu, nous entraîner dans de nouveaux stratagèmes.

Une boîte de pastels

  Cette exposition, où l’on regrettera l’absence de titres et de dates, s’arrête au début des années quatre-vingt. À partir de 1981, à la suite (dit-il) de la découverte d’une boîte de pastels offerte à sa fille et oubliée dans un tiroir, Le Gac commence une série de grands diptyques ou triptyques sur la saga d’un peintre qui copie les illustrations de ses livres d’enfant.

  Quelques-unes de ces pièces plus récentes, combinant la photo, le texte et le dessin, seront visibles au mois d’avril à la Galerie Andata/Ritorno.

Mireille DESCOMBES

Centre de la photographie, Salle Patino, jusqu’au 17 avril. À la Galerie Andata/Ritorno à partir du 2 avril. Le 3 avril à 20 h. 30, Jean Le Gac donnera une conférence à la Salle Patino.

Jean Le Gac

Carton d'invitation de l'exposition

photo :  André Morain

 

 

Jean Le Gac

«  La sieste du peintre (avec paysagiste amoureux) »

photo, dessin et texte, 152 x 106cm, 1984

photo :  André Morain

 

 

Jean Le Gac

«  La sieste à Montmartre »

photo, dessin et texte, 106 x 152cm, 1984

photo :  André Morain

 

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